Assistance administrative internationale et prohibition de l’échange spontané de renseignements
Assistance administrative internationale et prohibition de l’échange spontané de renseignements
Assistance administrative internationale et prohibition de l’échange spontané de renseignements
2C_1037/2019 (destiné à publication)
Résumé : Déterminer si un renseignement a été demandé ou non est une question d’interprétation des demandes d’assistance administrative qui doit être effectuée à la lumière du but poursuivi par l’autorité requérante et de manière à ne pas entraver l’échange efficace des renseignements. En l’espèce, il ressort que le but poursuivi consiste à identifier des revenus imposables que AA aurait reçus de sa mère. Selon le Tribunal fédéral, les demandes concernaient tous les comptes bancaires de feue CA y compris ceux qu’elle détenait de manière indirecte et qu’il ne s’agissait pas d’un échange spontané de renseignements prohibé.
I. Faits
La Swedish Tax Agency, International Tax Office (ci-après l’autorité requérante) a déposé deux demandes d’assistance administrative en matière fiscale concernant les époux AA et BA, l'une portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2015 et l'autre sur celle du 1er janvier au 31 décembre 2016. Ces demandes visaient à obtenir des renseignements sur les comptes bancaires détenus par Mme CA, la mère de AA, décédée en mars 2018. Par décision finale du 21 décembre 2017, l'AFC a octroyé l'assistance administrative à l'autorité requérante.
Dans son arrêt du 15 novembre 2019, le Tribunal administratif fédéral a reconnu que les demandes remplissaient les conditions formelles et matérielles requises et que l'assistance administrative devait être accordée. Il a toutefois jugé que les renseignements relatifs aux comptes bancaires qui n’étaient détenus qu’indirectement par feue CA ne devaient pas être transmis parce que leur transmission relèverait de « l’échange de renseignements spontané » qui était prohibé (consid. 7.2 de l'arrêt du TAF).
L’AFC recourt au Tribunal fédéral et demande l'annulation du chiffre 2 du dispositif de l'arrêt du Tribunal administratif fédéral relatif au consid. 7.2.
II. Droit
Le litige porte ainsi sur le point de savoir si la transmission des renseignements relatifs aux comptes bancaires que feue CA détenait de manière indirecte constitue un échange spontané de renseignements (consid. 4).
Notre Haute Cour examine en premier lieu si l'interprétation soutenue par l'instance précédente du verbe « held by » est conforme à la CDI CH-SE (consid. 4.2). Elle précise à cet égard que les notions de « détention directe » et de « détention indirecte » d'un compte bancaire sont juridiquement indéterminées. Selon les constatations de l'instance précédente, qui ne sont pas contestées, une personne détient un compte bancaire de manière indirecte lorsqu’elle dispose d’un pouvoir de disposition économique sur les avoirs dudit compte, parce qu’elle en est l'ayant droit économique ou qu’elle est au bénéfice d’une procuration qui lui octroie un tel pouvoir (consid. 4.3).
Le Tribunal fédéral relève par ailleurs que l’échange spontané de renseignements consiste à transmettre des renseignements qui sont vraisemblablement pertinents, mais qui n’ont pas été demandés, ce qui suppose l’existence d’une base légale expresse en droit interne (consid. 5.1). Déterminer si un renseignement a été demandé ou non est une question d’interprétation des demandes d’assistance administrative. Cette interprétation doit être effectuée à la lumière du but poursuivi par l’autorité requérante et de manière à ne pas entraver l’échange efficace des renseignements, soit conformément au principe de la bonne foi (consid. 5.2). »
En l’espèce, l'autorité requérante a demandé des renseignements sur « all accounts held by Mrs CA » (« tous les comptes détenus par Mme CA ») auprès de deux banques distinctes, puis a désigné un certain nombre de comptes bancaires qu'elle avait identifiés, précisant que les demandes ne se limitaient pas à ces comptes (« including, but not restricted to account number ») (consid. 5.3). Le Tribunal fédéral constate ainsi que les demandes ne se limitaient pas aux comptes désignés ou détenus de manière directe par CA (consid. 5.3.1).
Notre Haute Cour retient par ailleurs qu'il ressort de la description de ces demandes que leur but consistait à identifier des revenus imposables que AA aurait reçus de sa mère au travers de comptes bancaires qu’elle détenait auprès des deux banques. Dans ces circonstances, l’AFC était fondée à conclure, de bonne foi, que l’autorité requérante s’attendait à recevoir des renseignements sur tous les comptes bancaires que feue CA détenait auprès des banques identifiées ou qu'elle avait pu utiliser pour gratifier AA (consid. 5.3.2). Il en découle que l'AFC n'avait pas procédé à un échange spontané de renseignements (5.3.4).
Le Tribunal fédéral examine enfin la question de savoir si les informations requises étaient également vraisemblablement pertinentes au sens de l’art. 27 par. 1 CDI CH-SE (consid. 5.4). Notre Haute Cour rappelle que tel est le cas si, au moment où la demande est formulée, il existe une possibilité raisonnable que les renseignements demandés se révéleront pertinents, peu importe qu’une fois fournie l’information soit finalement non pertinente (consid. 5.4.1).
En l’espèce, l’autorité requérante soupçonne AA d’avoir perçu, sans les déclarer, d’importants montants de sa mère. Selon notre Haute Cour, on ne pouvait dès lors pas exclure que feue CA ait procédé à des versements en faveur de son fils par le biais de comptes dont elle n’était pas la titulaire, mais qu’elle détenait de manière indirecte, comme ayant droit économique ou parce qu’elle était au bénéfice d’une procuration lui octroyant un pouvoir de disposition (consid. 5.4.3).
Le Tribunal fédéral conclut ainsi que les renseignements sur les comptes bancaires que feue CA détenait indirectement auprès des deux banques sont vraisemblablement pertinents pour élucider la situation fiscale des époux A (consid. 5.4.4).
En conséquence, le Tribunal fédéral admet la transmission des renseignements relatifs aux comptes bancaires que feue CA détient de manière indirecte (consid. 7).
Auteur : Anna Vladau