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Traitement fiscal de participations de collaborateur dans le cadre d'un divorce

Traitement fiscal de participations de collaborateur dans le cadre d'un divorce

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Impôts directs

Traitement fiscal de participations de collaborateur dans le cadre d'un divorce

Éclairage de l'arrêt 2C_285/2019 du 9 mars 2020

1.    Faits

Les époux A et B ont divorcé sur requête commune le 15 octobre 2010. Par convention sur les effets accessoires du divorce datée du même jour, les époux ont convenu que A contribuerait à l'entretien de son ex-épouse par le versement d'une contribution d'entretien de CHF 7'000 par mois pour l'année 2013. En outre, il s'engageait à lui verser un pourcentage de ses revenus au-delà du salaire fixe, lesquels étaient versés sous forme de bonus, actions, options et autres, et composaient la totalité de son Incentive Plan annuel, versé par son employeur. Le pourcentage était de 40% en 2011 et de 10% pour l'année 2013. Enfin, les époux ont convenu de se répartir par moitié les stock-options et actions bloquées détenus par A auprès de la banque E.

En 2013, A a perçu un bonus de CHF 291'434 et des droits de participation pour un total de CHF 627'200 (composés de 350 actions pour un total de CHF 392'000, issus de performance shares reçues en 2008, et de CHF 235'200 provenant de stock-options octroyées en 2011). Cette même année, B a reçu de A la moitié des actions ainsi que CHF 111'229 provenant des stock-options.

Dans sa déclaration fiscale 2013, A a demandé la déduction d'un montant de CHF 459'272 au titre de pensions alimentaires versées à son ex-épouse. Dans ses décisions de taxation ICC et IFD, le SCC-VS a refusé cette déduction à hauteur des montants résultant des stock-options (CHF 111'229) et des actions (CHF 196'000) versées à son ex-épouse. Le SCC-VS a rejeté la réclamation formée par A contre les décisions de taxation 2013. Cette décision a été confirmée par la Commission de recours en matière fiscale du canton du Valais dans son arrêt du 8 novembre 2018. C'est à l'encontre de cet arrêt que A dépose un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral.

On notera que A avait modifié les conclusions de son recours devant la Commission de recours au stade de la réplique, en demandant au lieu de la déduction initialement requise de CHF 111'229 résultant des stock-options, une déduction de CHF 94'080 à titre de contribution d'entretien (40% de CHF 235'200). Il reprend cette conclusion devant le Tribunal fédéral.

2.    Droit

2.1    Objet du litige et droit applicable

Le litige porte d'une part sur le traitement fiscal des 175 actions d'une valeur de CHF 196'000, transférées à l'ex-épouse du recourant en 2013 conformément à la convention sur les effets accessoires du divorce du 15 octobre 2010, ainsi que d'autre part sur le montant de CHF 94'080 résultant des stock-options octroyées au contribuable en 2011, également versé à son ex-épouse en 2013 en raison de cette même convention (consid. 3). 

Comme le relève le Tribunal fédéral, ce litige concernant les taxations ICC et IFD 2013 doit s'examiner à la lumière des nouvelles dispositions relatives à l'imposition des participations de collaborateur, entrées en vigueur le 1er janvier 2013 et qui sont donc applicables en l'espèce (consid. 4).

2.2    Traitement fiscal du revenu issu des performance shares

Le Tribunal fédéral retient que les performance shares, octroyées à A en 2008, ne lui conféraient aucune prétention juridique ferme lors de leur attribution (période de vesting courant du 25 mars 2008 au 1er mars 2013). Elles doivent donc être considérées comme des expectatives sur des actions de collaborateur ou sur un équivalent en espèce, conduisant à une imposition au moment de leur conversion, en 2013. Notre Haute Cour relève à cet égard que l'intégralité du revenu issu des performance shares reçues en 2008 figurait dans le certificat de salaire établi par son employeur pour l'année 2013, et qu'il était ainsi une composante de sa rémunération liée à sa qualité de salarié (consid. 6). 

En conséquence, notre Haute Cour considère que ce revenu a été réalisé par A dans le cadre de son activité lucrative dépendante et qu'il était imposable dans son chef en 2013. Notre Haute Cour rejette l'argument de A selon lequel le revenu provenant des performance shares appartenait à son ex-épouse depuis le 15 octobre 2010, date de la convention sur les effets accessoires du divorce. Le Tribunal fédéral souligne que le recourant n'avait alors que de simples expectatives sur ce revenu, et non pas de prétentions fermes dont il aurait pu disposer (consid. 6).

Par ailleurs, le Tribunal fédéral retient que A ne peut pas déduire le revenu des performances shares versé à son ex-épouse (CHF 196'000) en tant que contribution d'entretien (art. 33 al. 1 let. c LIFD), dès lors que ce versement a été effectué dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial selon les constatations faites par l'instance précédente (consid. 7.3).

2.3    Traitement fiscal du revenu issu des stock-options

Le Tribunal fédéral retient que les stock-options ont été octroyées à A en 2011, soit après la dissolution du régime matrimonial intervenue le 15 octobre 2010, et qu'elles échappaient donc aux opérations de liquidation du régime (consid. 9.5). 

L'art. 204 al. 2 CC dispose en effet qu'en cas de divorce, la dissolution du régime matrimonial de la participation aux acquêts rétroagit au jour de la demande de divorce. Les acquêts et les biens propres de chaque époux sont disjoints dans leur composition à cette date (art. 207 al. 1 CC). Les biens acquis après la fin du régime de la participation aux acquêts n'entrent donc en principe plus dans les biens qui doivent être qualifiés d'acquêts ou de biens propres et échappent aux opérations de liquidation du régime (consid. 9.3).

En conséquence, le Tribunal fédéral considère que la somme de CHF 94'080 relative aux stock-options n'a pas été remise à l'ex-épouse de A en raison d'une liquidation de régime matrimonial, contrairement à ce qu'avait retenu à tort l'autorité précédente (consid. 9.5). Notre Haute Cour retient en revanche que ce versement de CHF 94'080 a été effectué à titre de contribution d'entretien et qu'il doit donc être déduit du revenu 2013 de A conformément à l'art. 33 al. 1 let. c LIFD dans la mesure où il est intervenu à l'échéance de la période de vesting en 2013. Selon notre Haute Cour, ce montant de CHF 94'080 ne représente pas une prestation en capital, mais une prestation périodique, irrégulière, fondée sur la part variable de la rémunération de A, ce qui ne s'oppose pas à une déduction (consid. 9.6.3). 

En conséquence, le recours de A est partiellement admis en ce qui concerne l'ICC et l'IFD 2013.

3.    Commentaire

Cette affaire illustre l'importance du droit civil, notamment les contrats qui peuvent être mis en place par le contribuable, dans le cadre de l'analyse fiscale. La subsomption des faits sous l'angle du droit civil doit en effet précéder la subsomption fiscale, soit ici la qualification fiscale du revenu et le moment de son imposition. 

En l'espèce, le sort du litige concernant les performance shares tient à ce que le contribuable n'avait aucun pouvoir de disposition sur les actions de collaborateur, dont la remise était soumise à des conditions de performance (période de vesting courant du 25 mars 2008 au 1er mars 2013). La qualification de ces participations de collaborateur comme « simples expectatives » impliquait une imposition au moment de la conversion concrète des performances shares en actions de collaborateur. Cette qualification du Tribunal fédéral nous semble correcte dans son principe. 

En conséquence, notre Haute Cour retient que le revenu réalisé en 2013 était attaché à la (seule) qualité d'employé de A et que ce dernier n'avait aucune prétention ferme qu'il aurait pu transférer à son ex-épouse dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial en 2010. Celle-ci ne disposait à ce moment que d'une prétention à la moitié de ce revenu (hypothétique) à l'encontre du recourant, et non pas de l'employeur de celui-ci, dans le cas où ce revenu se concrétiserait sous la forme d'une remise des actions de collaborateur, comme cela fut le cas en 2013. Comme le relève le Tribunal fédéral, le fait que l'ex-épouse de A avait semble-t-il déclaré les actions depuis 2010 dans sa fortune imposable ne change rien à cette analyse (consid. 6).

Par ailleurs, l'interprétation de la convention de divorce a joué en défaveur du contribuable et l'a empêché de faire valoir le montant versé à son ex-épouse en tant que contribution d'entretien déductible de son revenu au sens de l'art. 33 al. 1 let. c LIFD. La convention de divorce réglait les contributions d'entretien à son chiffre IV et la liquidation du régime matrimonial à son chiffre V. Or c'est le chiffre V qui mentionnait expressément le partage des stock-options et des actions bloquées (à savoir les performance shares). Pour cette raison, notre Haute Cour a retenu que le transfert des actions de collaborateur avait été effectué dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial et qu'il ne pouvait donc pas constituer une contribution d'entretien déductible dans le chef du contribuable. 

Cette interprétation, fondée en premier lieu sur les constatations de l'instance précédente en ce qui concerne la réelle et commune intention des parties à la convention, nous semble critiquable en l'espèce. Une telle interprétation nous semble peu compatible avec la qualification même des performance shares comme de simples expectatives en 2010. On voit mal en effet que les parties aient pu se partager ces expectatives dans le cadre de la liquidation du régime en 2010, puisqu'il ne s'agissait alors précisément que d'expectatives, qui ne pouvaient pas encore être valorisées (contrairement à des options). La conversion des performance shares en actions de collaborateur à l'issue de la période de vesting en 2013 était du reste soumise à certaines conditions de performance et demeurait donc incertaine en 2010. A notre sens, il aurait ainsi été possible d'admettre les actions remises en 2013 par A à son ex-épouse comme des contributions d'entretien déductibles, dans la mesure où le principe même de ce versement avait été prévu dans la convention.

On notera du reste que notre Haute Cour n'a pas retenu la même interprétation pour le traitement fiscal des stock-options, qui étaient pourtant également réglées au chiffre V de la convention de divorce relatif à la liquidation du régime matrimonial. A cet égard, notre Haute Cour a retenu que les stock-options ont été octroyées à A en 2011, soit après la dissolution du régime matrimonial intervenue en 2010, et qu'elles ne peuvent donc pas être réintégrées postérieurement dans les opérations de liquidation du régime en application des règles de droit civil (art. 204 al. 2 CC et 207 al. 1 CC). Ces versements relatifs aux options de collaborateur ont donc pu être déduits par A en 2013 en tant que contributions d'entretien versées à son ex-épouse. A notre sens, une même interprétation aurait pu être retenue pour le traitement des actions de collaborateur remises en 2013, dès lors que les performance shares sous-jacentes ont été qualifiées par le Tribunal fédéral de simples expectatives (sans valeur) au moment du divorce en 2010 et que A devait encore mériter ces actions de 2010 à 2013 (soit après la dissolution du régime matrimonial). 

 

iusNet DF 23.11.2020