Dernier domicile du défunt en matière d'impôt sur les successions
Dernier domicile du défunt en matière d'impôt sur les successions
Dernier domicile du défunt en matière d'impôt sur les successions
2C_190/2020
Résumé : la Cour de justice a confirmé le dernier domicile genevois du défunt sur la base de l'examen de ses attaches à Genève et à Madrid et en retenant que le principe de rémanence du domicile n'est pas applicable dans les rapports internationaux. Le Tribunal fédéral confirme cet arrêt cantonal en constatant le défaut de motivation du recours s'agissant de l'application du principe de rémanence du domicile et l'absence d'arbitraire dans la localisation du centre des intérêts vitaux du défunt. Toutefois, dans un obiter dictum, il met en doute l'appréciation de l'instance cantonale en tant qu'elle considère que la succession fiscale empêcherait les héritiers de plaider l'éventuel domicile fictif du défunt à Genève.
I. Faits
A est un ressortissant espagnol, arrivé en Suisse en 1983 et titulaire dès 1990 d'un permis d'établissement. Trois enfants sont nés de son union avec sa première épouse, décédée en 2009. En 2011, il a épousé la femme avec laquelle il avait précédemment eu un fils, Q, né en 1967, qui réside à Genève et qui avait été reconnu par feu R, le frère de A. En 2011, la demande déposée par A et Q en reconnaissance de leur filiation a été déclarée irrecevable par les tribunaux madrilènes compte tenu du domicile genevois de A, mais admise à Genève. La même année, les tribunaux madrilènes ont déclaré irrecevable une demande de mise sous tutelle de A, en raison de son domicile genevois.
Par testament rédigé à Madrid en 2011, A a soumis sa succession au droit espagnol et déclaré que son domicile se trouvait à Genève. Il était imposé d'après la dépense jusqu'au jour de son décès à l'Hôpital à Genève le 7 juin 2012.
Par décision du 14 novembre 2016, l'Afc-GE a fixé le dernier domicile du défunt à Genève et s'est donc déclarée compétente pour imposer sa succession. A la suite d'une procédure menée jusqu'à la dernière instance cantonale, l'hoirie de feu A demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt rendu le 21 janvier 2020 par la Cour de justice et de dire notamment que "le dernier domicile au sens de l'art. 3 al. 1 LDS ne se situe pas en Suisse".
II. Droit
Le litige porte ainsi sur le for d'ouverture de la succession du défunt et par conséquent sur l'assujettissement des recourants à l'impôt sur les successions dans le canton de Genève. Confirmant la décision de l'autorité intimée, l'instance précédente a jugé que le dernier domicile du défunt se trouvait à Genève, tandis que les recourants soutiennent que le défunt avait son domicile à Madrid au moment de son décès et que le domicile genevois était fictif et n'existait que pour des raisons fiscales (consid. 2).
En premier lieu, le Tribunal fédéral rappelle l'absence de convention de double imposition en matière d'impôts sur les successions entre la Suisse et l'Espagne, de même que l'absence de compétence fédérale en la matière, de telle sorte que le litige est soumis exclusivement au droit cantonal genevois (consid. 3.1). Les recourants ne pouvant pas invoquer la violation du droit cantonal en tant que tel, ils doivent démontrer que son application ou son interprétation par la dernière instance cantonale consacre une violation du droit fédéral, comme la protection contre l'arbitraire ou la garantie d'autres droits constitutionnels (consid. 3.2). Ces griefs sont soumis à des exigences accrues de motivation et le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue que si elle apparaît insoutenable ou en contradiction manifeste avec la situation effective, si elle a été adoptée sans motif objectif et en violation d'un droit certain et qu'elle apparaît arbitraire dans son résultat (consid. 3.3).
S'agissant de l'éventuelle prise en compte du principe de rémanence du domicile dans le cadre de la détermination du for successoral, le Tribunal fédéral rappelle que le terme « domicile » de l'art. 3 LDS/GE demeure une notion de droit cantonal (consid. 7.2) et constate que le grief de mauvaise interprétation de cette disposition ne répond pas aux exigences de motivation accrues prévues par la LTF (consid. 7.3).
S'agissant de la détermination du centre des intérêts vitaux du défunt, le Tribunal fédéral constate que tous les indices mis en évidence par les recourants aux fins de défendre l'existence d'un dernier domicile madrilène ont bien été pris en compte par l'instance précédente dans l'examen global du faisceau d'indices qu'elle a également examinés de manière séparée, de sorte que le résultat de son appréciation d'ensemble échappe non seulement au grief d'établissement inexact des faits, mais également au grief d'arbitraire dans l'application du droit cantonal. Il relève également que les recourants échouent à démontrer que le résultat de la pesée générale des indices par l'instance précédente est insoutenable, notamment parce qu'il n'est pas établi que le défunt n'avait plus la capacité de discernement et parce que l'art. 24 CC n'est, en vertu de la jurisprudence cantonale, pas applicable en matière internationale (consid. 8.3).
C'est par conséquent sans tomber dans l'arbitraire que l'instance précédente a jugé que le dernier domicile du défunt se situait à Genève. En l'absence de convention de double imposition, le fait que, cas échéant, les autorités espagnoles réclament également un droit d'imposition de la succession n'y change rien. Les recourants sont par conséquent assujettis à l'impôt sur les successions dans le canton de Genève (consid. 8.3).
Le Tribunal fédéral constate enfin que, dès lors que la question du domicile du défunt a été tranchée sans arbitraire par l'instance cantonale, il n'est pas nécessaire d'examiner le grief de violation du principe de la bonne foi, par lequel l'hoirie conteste adopter un comportement contradictoire en plaidant l'existence d'un simple domicile fictif à Genève et d'un véritable domicile à Madrid. Il ajoute toutefois que ce grief des recourants n'est pas dénué de fondement puisque le décès du défunt fait naître un nouveau rapport de droit fiscal en matière d'impôt sur les successions, auquel le défunt n'est pas partie (consid. 9).
Le recours de l'hoirie est donc rejeté.
Auteur : Arnaud Martin