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Soustraction d’impôt et dénonciation spontanée

Soustraction d’impôt et dénonciation spontanée

Jurisprudence
Impôts directs

Soustraction d’impôt et dénonciation spontanée

2C_133/2020

Résumé : une dénonciation spontanée ne peut être retenue suite au courrier des recourants adressé à l’Afc-GE expliquant la constitution d’une société civile immobilière en France dans le but d’acquérir une résidence secondaire, non annoncée dans la déclaration fiscale. L’Afc-GE enquêtait déjà sur d’autres éléments dépassant la simple propriété immobilière en France, notamment des participations dans une société connue suite à une dénonciation anonyme. Le Tribunal fédéral confirme alors l’exclusion des dispositions relatives à la dénonciation spontanée.  

I. Faits

Les époux A et B (ci-après aussi les recourants), domiciliés à Genève, ont adressé un courrier à l’Afc-GE le 11 mars 2013 afin de dénoncer spontanément leur participation dans une société civile immobilière en France laquelle avait pour but d’acquérir une résidence secondaire.

Suite à cela, l’Afc-GE a ouvert à leur encontre une procédure en rappel et soustraction d’impôt pour les périodes fiscales 2006 à 2010 en matières d’ICC et d’IFD. Lors d’un entretien, les recourants ont admis avoir également omis de déclarer des plans d’épargne logement en France et des dividendes en provenance d’une société anonyme C. 

L’Afc-GE clôture les procédures et notifie des décisions en rappel d’impôt et des amendes pour soustraction intentionnelle au vu notamment d’une dénonciation anonyme du 24 mai 2012. Les recourants forment réclamation puis recourent au Tribunal administratif, lequel admet partiellement le recours en annulant les amendes. La cause est néanmoins renvoyée à l’Afc-GE pour amende additionnelle en raison de frais médicaux déclarés en trop. L’Afc-GE recourt contre ce jugement auprès de la Cour de justice, laquelle exclut le cas de dénonciation spontanée tout en réduisant la quotité des amendes. Les époux A et B recourent au Tribunal fédéral en demandant d’annuler l’arrêt de la Cour de justice, sauf en ce qui concerne la quotité de l’amende. 

II. Droit

Les recourants soumettent en premier lieu à la Haute Cour un grief d’ordre formel (violation du droit d’être entendu au sens des art. 29 al. 2 Cst. et 114 LIFD) au motif qu’ils n’auraient pas eu accès à une pièce importante du dossier. La dénonciation anonyme du 24 mai 2012 informant l’Afc-GE de la participation des recourants dans la société C et leur lien avec un bien immobilier en France n’a pas été transmise aux recourants, seul un résumé de cette pièce ayant été porté à leur connaissance avec possibilité de se déterminer à cet égard. La Cour de justice a également refusé la production de cette pièce (consid. 3.2).

Le Tribunal fédéral note à cet égard que la Cour de justice doit être fortement critiquée car elle n’a pas procédé à une pesée des intérêts en présence (cf. ATF 126 I 7 consid. 2b p. 10 ; 122 I 153 consid. 6a p. 161 ; 110 Ia 83 consid. 4b p. 86) ni motivé son refus de donner suite à la demande des recourants. Toutefois un renvoi à l’autorité précédente pour motivation de la décision ne se justifie pas au vu de l’intérêt personnel du dénonciateur et de la perte de temps qu’entraînerait ledit renvoi (consid. 3.3).

Le Tribunal fédéral examine ensuite le cœur du litige, soit le fait de savoir si les recourants pouvaient se prévaloir d’une dénonciation spontanée (avec renonciation à la poursuite pénale) dans le cadre de leur courrier du 11 mars 2013 alors qu’une dénonciation anonyme avait été adressée le 24 mai 2012 (consid. 4.3). 

A teneur de l'art. 175 al. 3 LIFD, la dénonciation spontanée non punissable est envisageable, à condition qu'aucune autorité fiscale n'en ait connaissance (let. a); que le contribuable collabore sans réserve avec l'administration pour déterminer le montant du rappel d'impôt (let. b) ; et qu'il s'efforce d'acquitter le rappel d'impôt dû (let. c). La dénonciation n’est pas spontanée si la déclaration intervient alors que les autorités fiscales sont déjà en train d'enquêter sur le dossier du contribuable (consid. 5.2).

En l’espèce, le Tribunal fédéral exclut la dénonciation spontanée puisque les faits retenus conduisent à la conclusion que l’Afc-GE enquêtait déjà sur les recourants suite à la dénonciation anonyme intervenue environ dix mois avant leur courrier d’annonce. Partant, la condition de l’art. 175 al. 3 let. a LIFD n’était pas remplie. Le fait que les recourants n'aient pas encore été au courant des connaissances de l’Afc-GE à leur propos n'importe pas (cf. arrêt 2C_370/2019 du 19 septembre 2019 consid. 5.4.2). De plus, la soustraction commise en l’espèce allait au-delà de la dénonciation des recourants portant uniquement sur l’actif immobilier français, ce qui suffit à ne pas accorder l’exemption de peine (consid. 5.4.2).

En conséquence, le Tribunal fédéral retient que c'est à bon droit que la Cour de justice n’a pas retenu la spontanéité de l’annonce et refuse la dénonciation spontanée en matière d’IFD pour les périodes fiscales 2006 à 2010 (consid. 5.5). Il en va de même en matière d'ICC au vu du caractère identique du contenu des dispositions cantonales applicables (consid. 6). Le recours est donc rejeté tant en ce qui concerne l'IFD que l'ICC.


Auteur : Arnaud Cywie
 

iusNet DF 16.11.2020